INTERVIEW
Rémi Masson
Photographe et plongeur en eaux douces
Bonjour, Rémi !
Rémi : Bonjour, Franck !
Originaire d’Annecy en Haute Savoie, ou tu as vu le jour en 1983, tu réalises aujourd’hui de formidables clichés subaquatiques et en apnée, pour notre plus grand plaisir !
Peux-tu nous dire, d’où te viens cette passion ?
Rémi : En fait, le point de départ de tout cela, la véritable passion est l'exploration. Aller voir là où, peut être, personne n'est jamais allée, est ce qui me fait vraiment rêver. Mais ces endroits sont rares et aujourd'hui, il n'y a que les spéléologues qui peuvent encore avoir cette chance de découvrir des milieux vierges. La spéléologie est la passion de mon père et ce n'est sans doute pas un hasard. Il m'a transmis tout jeune, la fièvre de l'exploration que j'ai orienté par la suite vers le monde subaquatique, même si j'ai aussi plaisir à l'accompagner de temps en temps sous terre.
Les lacs de haute montagne sont gelés presque toute l'année et ne dégèlent parfois même pas pendant 2 ans de suite. Lorsque l'on met la tête sous la surface de leurs eaux transparentes se découvre un mélange de blocs rocheux et de sédiments qui semblent être là depuis la nuit des temps. On pourrait se croire sur la lune.
L'apnée est la façon la plus "pure" d'aller à leur rencontre. Elle nécessite aussi moins de matériel (enfin relativement, mon sac accusant quand même une trentaine de kilos), ce qui me permet d'aller explorer des lacs isolés donc plus sauvages.
Lors de tes plongées, tu as l’occasion de t’approcher d’ espèces animales, de façon très privilégiée, peux-tu nous parler de la rencontre qui t’as le plus marquée ?
Rémi : C'est un choix difficile... Mais puisqu'il faut choisir, je dirais ma première rencontre avec un castor. C'était il y a plus de 15 ans. Intrigué par des nuages de sédiments sortant d'un terrier immergé, j'avais mis la tête à l'intérieur et m'était retrouvé à quelques centimètres de la tête de ce gros rongeur. Nous sommes restés presque une minute face à face, c'était incroyable. Depuis, j'ai passé beaucoup de temps sous l'eau avec les castors qui sont des animaux véritablement passionnants, mais cette première rencontre m'a vraiment marqué.
Ayant plus de 2000 publications à ton actif, ainsi que de nombreux prix et distinctions, tu as travaillé à de multiples reprises sur des documentaires relatant le mode de vie du silure glane. Peux-tu nous parler de ta propre expérience et nous dire ce que tu penses de cet animal qui vit dans nos rivières et qui a parfois mauvaise réputation ?
Rémi : Actuellement plus gros poisson vivant dans nos eaux douces, le silure glane fait régulièrement la une des médias. Il faut dire que ses dimensions ( 2m50 et une centaine de kilos pour les plus gros) et son affection pour les eaux troubles et sombres font de lui un "monstre d'eau douce" tout trouvé. La réalité est toute autre et le silure est une créature tout à fait inoffensive, et même plutôt curieuse, sur laquelle il reste encore beaucoup de choses à découvrir. Son impact même sur le milieu aquatique est encore discuté au niveau scientifique. Comme toute espèce qui colonise un milieu elle connait une croissance importante de sa population, mais s'en suit presque inévitablement une régression pour atteindre un point d'équilibre. C'est d'ailleurs ce que l'on commence à observer dans les endroits où l'espèce est présente depuis assez longtemps comme le fleuve Rhône où ses effectifs sont en baisse et la répartition de taille déséquilibrée avec des gros (et vieux) sujets relativement abondants qui pratiquent le cannibalisme sur les jeunes individus.
J'ai eu le plaisir de faire partie des premiers à observer sous l'eau le phénomène impressionnant des rassemblements de silures dans le Rhône où ils peuvent former une boule de plusieurs mètres de diamètre et qui a fait l'objet en 2011 d'une publication scientifique internationale en collaboration avec le CNRS. Actuellement les études se poursuivent sur ce comportement social, ainsi que sur l'aspect génétique. C'est très intéressant de pouvoir aider la recherche et d'apprendre de nouvelles choses sur ce poisson géant qui n'a pas fini de faire parler de lui.
Si des magazines tels que Géo, Terres sauvages ou encore Science et vie, font appel à toi pour leurs éditions, ce n’est certainement pas par hasard ! Peux-tu nous expliquer ton cheminement, afin d’en arriver là, quand on sait comment il est difficile de percer dans ce milieu ?
Rémi : J'ai commencé à collaborer avec la presse magazine assez tôt et publié mon premier article il y a plus de 10 ans (en 2004, j'avais 19 ans...). J'ai beaucoup écrit par la suite sur différents sujets et dans des magazines très diversifiés mais toujours en relation avec les milieux d'eau douce de France tandis que je continuais mon exploration de tous les lacs, étangs et rivières que je pouvais rencontrer. J'ai ainsi acquis une bonne connaissance des espèces et des écosystèmes d'eau douce, ce qui me permet de proposer soit des articles complets comprenant texte et photos, soit des images plus rares de comportement animal.
Tu as sorti, il y a 3 ans, aux éditions Biotope, un livre de photos, intitulé « Eaux douces des Alpes » ! Peux-tu nous parler de cet ouvrage, et nous dire comment on peut se le procurer ?
Rémi : Ce livre est né de l'envie de donner une vision plus large et plus complète de nos eaux douces. Sa vocation est de présenter ce que j'ai pu découvrir de beau et/ou d'étonnant sous la surface. Il s'appuie sur plus de 15 ans de plongée dans les lacs d'altitude, les étangs, parfois même de simples flaques, les torrents, grands lacs...des Alpes. Ceci étant, ce qui est présenté n'est pour l'essentiel pas propre aux Alpes. On peut rencontrer les mêmes choses ailleurs. L'avantage des Alpes (notamment la région Rhône-Alpes où j'habite) c'est que tous ces milieux y sont rassemblés. Le livre suit ainsi le cours de l'eau, des montagnes au fleuve Rhône, chaque étape de son parcours étant repris dans un chapitre et présenté en introduction avec des photos de paysages et des textes. C'était d'ailleurs un point important pour moi de ne pas me limiter aux images seules et de les accompagner d'explications, d'anecdotes...
Il est possible de le commander via la boutique de mon site internet:
http://www.remimasson.com/boutique
Ou sur le site des éditions Biotope
http://www.biotope-editions.com/index.php?article72/eaux-douces-des-alpes
Même s’il n’est pas donné à tout le monde, de plonger en apnée pour photographier toutes ces espèces aquatiques, aurais tu des conseils à donner à ceux qui aimeraient faire comme toi, et peux-tu nous parler un peu de ton matériel ?
Rémi : En réalité, la plongée apnée est accessible à tous. De nombreux clubs de plongée se sont d'ailleurs ouverts à cette discipline. Pour autant, il n'y a pas encore énormément de personnes qui plongent toute l'année en eau douce. Sans doute du fait de la température de l'eau, mais aussi de sa turbidité qui fait que les beautés subaquatiques ne se dévoilent que petit à petit. Concernant le matériel, je travaille principalement avec un reflex Canon et au très grand angle (15mm fisheye). Compte tenu du prix des caissons (plusieurs milliers d'euros), le mieux est de commencer avec un compact expert dont le prix du caisson est beaucoup plus raisonnable et d'investir dans un caisson pour reflex lorsque l'on se sent près car chaque caisson est spécifique d'un boitier...
Extrait d'échappées belles sur France 5
Après les eaux limpides des lacs de nos montagnes françaises, as-tu d’autres projets en tête ? Ouvrages ou collaborations ?
Rémi : Avec le réalisateur Bertrand Lenclos, après 2 ans de tournage, nous finissons un documentaire TV de 50min intitulé "Ce qui se cache sous la surface" qui sera livré au printemps prochain et qui emmènera le spectateur sous la surface des eaux douces.
J'ai également un autre projet de livre sur lequel je travaille depuis plusieurs années et qui parlera des grands lacs alpins (Lacs d'Annecy, du Bourget, d'Aiguebelette), mais sous un angle un peu différent.
Enfin, pour terminer cette interview, nous aimerions un peu plus te connaître, acceptes-tu de te livrer à notre traditionnel portrait chinois ?
Portrait chinois
Rémi Masson
Si tu étais un animal !
Un castor
Une citation ou un proverbe
Le bonheur vient du cœur
Une association de protection animale
La frapna
Un site internet en rapport avec les animaux
L'institut virtuel de cryptozoologie: http://cryptozoo.pagesperso-orange.fr/
Un animal fantastique ou disparu
Le mokélé mbembé
Une espèce à protéger
La lamproie de Planer
Une émission TV consacrée aux animaux
Plutôt des documentaires, notamment ceux de la BBC
Une région du monde
L'Indonésie
Un animal célèbre (film, roman ou actualité)
Kolo (suricate)
Un souhait pour la planète
Que l'on prenne conscience de sa fragilité...
Rémi, merci de m'avoir accordé cette interview, qui aura j'espère plongé les lecteurs aux coeur de ta passion, sous les eaux alpines. Pour ma part, je vous donne rendez- vous, prochainement pour une nouvelle interview de "Mon métier avec les animaux " et je vous remercie encore, pour votre fidélité !
A très bientôt,
Animalement, vôtre,
Franck Badet
Fondateur et rédacteur de Diconimoz
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